Je pousse la lourde porte d’entrée du centre communautaire et j’entre rapidement dans le bâtiment, enfin à l’abri du froid. J’enlève mes lunettes pleines de buée, ma tuque, mon foulard et mon manteau. Au moment où je m’apprête à enlever mes pantalons de neige, trois petits enfants de moins de 5 ans viennent vers moi pour me saluer. – What’s your name? Rapidement, je salue les gens que je connais, on rit. Je souris, il est 14h00. Je suis vraiment heureuse de m’être déplacée pour cette fête communautaire, et d’avoir bravé le froid en ce samedi après-midi.
Autour de moi, plusieurs familles sont en train de dépecer des poissons en petits groupes. Les femmes plus âgées montrent aux femmes plus jeunes comment couper l’Arctic char, aussi nommé l’omble de l’Arctique. Ce poisson pêché et mangé couramment au Nunavik est souvent servi cru et congelé. Pour en savourer le goût, on le trempe tout simplement dans de la sauce soya. Les femmes coupent le poisson à même le sol, sur des boîtes de carton ouvertes déposées sur le plancher avec le Ulu, le couteau traditionnel inuit. La lame arrondie et bien aiguisée de ce couteau permet de trancher vivement la viande de chasse ou de pêche, et de séparer celle-ci de la peau de l’animal. Pour manger le poisson cru, je m’agenouille près des enfants observant la scène et j’observe moi aussi. Je me sens privilégiée de pouvoir participer à une si belle scène du quotidien des familles inuites.
Manger local au Nunavik n’est pas synonyme d’un simple achat à l’épicerie du coin, mais bien du partage d’un moment avec la communauté. C’est l’occasion d’une rencontre où l’on apprend de nouvelles choses à chaque fois. Comment vider le poisson? Quelle partie du caribou manger? Que faire avec le gras du phoque? Qu’est-ce que ça goûte, le béluga? Comment apprêter l’ours polaire? Il faudrait demander aux cousins inuits du Nunavut!
Les mets locaux du Nunavik sont bien différents de ceux du sud de Québec et sont issus d’une longue tradition. En apprenant plus sur l’histoire de ce territoire et la façon traditionnelle de vivre des Inuits, la préparation des repas et la façon dont ils sont mangés ont tout à fait du sens avec ce précieux héritage. D’ailleurs, pour éviter tout gaspillage, il y a bien des façons de manger presque toutes les parties des animaux. Le gras de béluga ou celui du phoque? On en fait une délicieuse sauce où l’on trempe la viande.
Quelle est la clé pour manger local au Nunavik? L’écoute et le partage. Prendre le temps de se lier d’amitié au fil du temps avec différentes personnes des communautés du Grand Nord permet d’avoir accès à cette culture culinaire si précieuse et délicieuse. Chaque mets est souvent accompagné de rocambolesques histoires de chasse, d’anecdotes familiales ou de rires. Il y a tant à apprendre, il faut seulement prendre le temps de partager ensemble. Peut-être même que vous aurez la chance de goûter à du pitsik, de l’Arctic char fumé ou séché, ou du suvalik, un mélange d’œufs de poisson et de bleuets nordiques.
Filles du Nord, est un blogue pour découvrir de nouveaux endroits et pour partager la réalité de vivre en région. Le collectif regroupe des ambassadrices (et des ambassadeurs!) qui proviennent des 4 coins du Québec et qui partagent leurs réflexions, coups de coeur et expériences à travers des récits uniques.