En ce Mois de l’histoire autochtone et dans le cadre de la Journée nationale des peuples autochtones, Goûtez-y! met la lumière sur les traditions culinaires des premiers habitants du Centre-du-Québec.
Une journée pour célébrer et reconnaître
Le 21 juin marque non seulement le solstice d’été, mais aussi la Journée nationale des peuples autochtones. Ce n’est pas un hasard si cette journée coïncide avec le jour le plus long de l’année puisque, pour de nombreuses communautés autochtones, le solstice d’été possède une symbolique particulière et marque un moment de rassemblement et de célébrations, notamment autour de l’alimentation.
Au Centre-du-Québec, la Journée nationale des peuples autochtones résonne tout particulièrement grâce au peuple abénakis qui façonne l’histoire du territoire depuis maintenant plus de trois siècles.
Les Abénakis : gardiens historiques du Centre-du-Québec
Les Abénakis, dont le nom signifie « peuple de l’aurore » ou « peuple de l’est » sont présents dans la vallée du Saint-Laurent depuis des siècles, voire des millénaires. C’est à partir de 1700 que des communautés abénakises s’établissent dans les environs de Saint-François-du-Lac et de Bécancour et prennent place sur les sites actuels d’Odanak (1715) et de Wôlinak (1704). Aujourd’hui, on dénombre près de 3 500 Abénakises et Abénakis au Québec, ailleurs au Canada et aux États-Unis dont environ 600 résidents à Odanak et Wôlinak.
Source : Gouvernement du Canada. En ligne : https://www.sac-isc.gc.ca/fra/1634312499368/1634312554965
Appartenant à la grande famille linguistique algonquienne, le peuple abénakis est considéré comme allié des Français lors des guerres coloniales et s’adonne avec eux au commerce des fourrures. Les Abénakis vivront ensuite principalement d’une économie de subsistance qui va grandement évoluer jusqu’au XXe siècle.
Des traditions culinaires à découvrir
D’abord semi-nomades, ils chassaient, pêchaient, trappaient et cueillaient. Ils étaient également horticulteurs. Puis, au tournant du XIXe siècle, l’agriculture – culture du sol, utilisation des animaux et production de produits végétaux et animaux – fait tranquillement son apparition à Odanak et Wôlinak. Ces qualités de chasseurs-cueilleurs et d’agriculteurs constituent d’ailleurs un des traits particuliers de cette nation.
L’alimentation traditionnelle des Abénakis est basée sur le gibier (rat musqué, lièvre, outarde, perdrix), les petits fruits, les plantes sauvages (têtes de violon, ortie) ainsi que les poissons (esturgeon, barbue, barbotte) qu’on retrouve sur le territoire et dans la rivière Saint-François (pour la communauté d’Odanak). Les conditions de la terre sont favorables à la culture des courges, du maïs et des haricots – les fameuses trois sœurs – mais également celles des pommes de terre.
Un des mets emblématiques de la culture abénakise qui illustre bien la relation entre chasse, cueillette et agriculture est la sagamité, une soupe composée de haricots, de maïs lessivé, de légumes, de viande sauvage et d’épices. Chaque communauté, voire chaque famille, possède sa propre recette.1
Un autre emblème de la culture culinaire est le poisson fumé, et plus particulièrement l’esturgeon fumé, qui est très présent dans l’alimentation tout comme le maïs, les pâtes de fruits séchées et les graines de tournesol ou de citrouille et qui, à l’époque, servaient de collations pendant la chasse, la pêche et la cueillette.2
La banique, un pain plat et sans levain qu’on fait cuire sur le feu, fait aussi partie du régime alimentaire ancestral des Abénakis. Toutefois, et contrairement à une croyance populaire, la banique n’est pas d’origine autochtone et a été intégrée à la culture à la suite d’échanges avec les Européens. Comme le précise la cheffe cuisinière Lysanne O’Bomsawin : « […] on n’avait pas de farine ici, à part la farine de maïs. Du pain de maïs, il s’en faisait, mais la banique n’est pas un pain de maïs. »3
Intérêt renouvelé et nouvelles initiatives
À la faveur de mouvements comme Idle no more et d’événements comme le dépôt du rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, on assiste depuis quelques années à une nouvelle dynamique d’affirmation des nations autochtones présentes au Canada et au Québec. Cette dynamique se traduit par un intérêt renouvelé à l’égard des cultures autochtones, incluant la culture culinaire et la gastronomie, et ce, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur des nations.
Cet intérêt se manifeste de manière bien concrète dans la communauté d’Odanak avec le projet Wlipogwat4 qui, en langue abénakise, signifie « ça goûte bon ». Initié par des membres souhaitant se réapproprier l’héritage de leurs ancêtres, ce projet vise à rendre l’alimentation locale plus populaire et accessible en permettant aux gens de la communauté de récolter et de cuisiner les aliments disponibles sur le territoire. Ultimement, il s’agit d’assurer une meilleure sécurité alimentaire de la population en renouant avec les traditions culinaires ancestrales tout en respectant et en préservant les ressources. À la fin de chaque saison, les participants au projet sont invités à créer des recettes à partir de leur récolte et à les partager lors d’un grand banquet.
D’autres initiatives permettent de faire rayonner les traditions culinaires abénakises hors des communautés. On peut entre autres penser à la cheffe Lysanne O’Bomsawin qui, par ses interventions publiques, son service de traiteur Québénakis et la publication d’un livre intitulé « Cuisine autochtone : Saveurs et savoir-faire d’hier à aujourd’hui » contribue à faire connaître et à démocratiser sa cuisine et ses traditions. C’est le cas également de Jacques T. Watso qui offre aussi un service de traiteur et, depuis 2023, commercialise sa recette de sagamité déshydratée ainsi que d’autres mélanges (banique, soupe trois sœurs) qu’il est possible de cuisiner simplement chez soi.
La culture abénakise : Goûtez-y!
Livres de recette, recettes en ligne, service de traiteur, boutique en ligne : il est plus facile que jamais de s’introduire à la gastronomie autochtone et abénakise. Il peut toutefois être difficile d’avoir accès à des produits frais. Rien de mieux alors que de se déplacer sur place pour profiter d’une expérience complète ! Par exemple, il est possible de se rendre au Café Masko à Odanak où vous pourrez savourer des plats traditionnels à base du cerf rouge, des Indian tacos, des poissons fumés, des burritos abénakis, des salades traditionnelles et, bien sûr, de la sagamité et du pain banique.5
Comme dans toutes les cultures, la gastronomie autochtone et abénakise est associée à la fête et aux célébrations. Dans ce cas, pourquoi ne pas participer à un Pow Wow, « une fête qui convoque la musique, les danses, les habillements de danse, les aliments et les objets d’artisanat autochtones. »6 Chaque communauté tient son propre Pow Wow au courant de l’été. Celui d’Odanak aura lieu les 19 et 20 juillet prochain tandis que celui de Wôlinak se tiendra à la fin août.
À défaut de pouvoir manger des produits ou des mets autochtones sur une base régulière, nous aurions intérêt à nous inspirer de l’approche autochtone des 7 générations dans notre rapport à l’alimentation et à la consommation en général. D’après la Grande Loi (Gayanashagowa) de la Confédération des Haudenosaunee, « cette approche suggère que chaque décision prise aujourd’hui doit être évaluée à l’aune de ses impacts jusqu’à la septième génération à venir. »7 Autrement dit, ce que nous faisons aujourd’hui aura des conséquences sur les générations suivantes et, de ce fait, il est de notre devoir d’assurer la préservation des ressources, de la biodiversité et des territoires pour les générations à venir. Ainsi donc, une alimentation de saison, locale et le plus agroécologique possible est à privilégier !
En cette période de solstice et pour célébrer la culture abénakise en ce début d’été, voici une recette de limonade aux fleurs de sureau qui nous est généreusement offerte par la cheffe Lysanne O’Bomsawin et qui permet de se désaltérer lors des journées chaudes.
Santé !
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1 Éric Faucher (2023, 19 février). Incursion dans la tradition culinaire des Abénakis, Le Nouvelliste. En ligne : https://www.lenouvelliste.ca/2023/02/20/incursion-dans-la-tradition-culinaire-des-abenakis-3eafe13ecfc35756082e4d38a23a46b0/
2 Jasmine Rondeau (2020, 21 août). Du popcorn à la dinde aux atocas, La Tribune. En ligne : https://www.latribune.ca/2020/08/21/du-popcorn-a-la-dinde-aux-atocas-8160e1086da7462ce890189ae79e26d6/
3 Éric Faucher (2023, 19 février). Incursion dans la tradition culinaire des Abénakis, Le Nouvelliste. En ligne : https://www.lenouvelliste.ca/2023/02/20/incursion-dans-la-tradition-culinaire-des-abenakis-3eafe13ecfc35756082e4d38a23a46b0/
4 Un balado sur le projet est également disponible sur la plateforme Ohdio de Radio-Canada : https://ici.radio-canada.ca/ohdio/balados/12398/senraciner-dans-lavenir-histoires-inspirantes-de-jeunes-autochtones/1003067/odanak-gardiens-territoire-wlipogwat-w8banaki
5 Stéphane Paradis (2024, 9 février). La culture qui passe par la nourriture, Le Courrier Sud. En ligne : https://www.lecourriersud.com/infolettre/la-culture-qui-passe-par-la-nourriture/
6 Anna Hoefnagels (2006). Pow-wow, L’Encyclopédie canadienne. En ligne : https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/pow-wow-1
7 Ville de Montréal (2020). Stratégie de réconciliation 2020-2025. En ligne : https://portail-m4s.s3.montreal.ca/pdf/strategie_de_reconciliation_2020-2025_vdm_fr.pdf